Hadopi, contre mais vote pour ???
Sommes nous toujours en démocratie ? Favorable à la création d'une sorte de licence globale, le député UMP Jean-Pierre Gorges, élu de la 1ère circonscription d'Eure-et-Loir, a livré un véritable plaidoyer contre la loi Hadopi... après l'avoir votée !
"Franchement... alors bon je fais partie d'un groupe, je suis solidaire là dessus, mais globalement je pense qu'on va trop loin. La montagne va acoucher d'une souris (...) je ne pense pas que ce type de dispositif va aider en quoi que ce soit la création, et j'ai bien peur même que ça nous mette dans une situation plus difficile", dit-il. Il a pourtant voté pour la loi.
"Et oui, c'est comme ça aussi à l'UMP", conclut-il dans un grand éclat de rire.
En voyant ces images diffusées sur son site Internet, on a du mal à mettre le doigt sur ce qui nous dérange le plus. Est-ce le fait qu'un député puisse voter un texte avec lequel il est en profond désaccord ? Ou le fait qu'il puisse s'en vanter dans un grand sourire quelques heures plus tard en justifiant d'une logique de "solidarité" avec son groupe parlementaire ?
Il ne s’agit plus là de savoir si cela doit nous mettre en colère mais si cela est un réel manque de respect envers nous citoyens qui comptons sur nos élus pour faire entendre leurs voix. Quel désespoir ! Comment un citoyen qui voit ces images peut-il encore espérer que le bulletin de vote que la démocratie lui demande de glisser dans l'urne aura le moindre effet sur la politique qui sera menée en son nom, si les élus oublient qu'ils ne sont pas les élus d'un groupe parlementaire, mais les élus de la Nation tout entière ? S'ils oublient qu'ils ne doivent pas voter selon des ordres, mais selon des convictions, alors nous sommes en droit de nous demander pourquoi votons nous ?
Etre pour la loi Hadopi est une position comme une autre. Etre contre et voter pour est une position tout à fait détestable.
Combien, parmi les 284 députés UMP qui ont voté pour le projet de loi Création et Internet, pensaient eux-aussi en leur for intérieur que le texte était mauvais ? Etaient-ils plus nombreux que les 63 députés qui ont fait basculer le vote en sa faveur.
Cette loi est discutable, et à tout point de vue, car elle rend le public respondable des déboires que rencontrerait le monde de la création artistique, en oubliant fondamentalement que ce monde, n’existe que parce qu’il y a un public.
La vitalité artistique n’a jamais été menacée. Depuis que le monde est monde, celle-ci n'a jamais été liée à l'importance de la rémunération des artistes, pas plus que l'importance de cette rémunération n'a jamais été liée à l'importance du prix auquel les marchands décident de vendre au public les oeuvres dont ils ont fait l'acquisition des droits. Plus ou moins miséreux, il y aura toujours des troubadours qui pousseront ici ou là la chansonnette et dont beaucoup resteront à tirer le diable par la queue tandis que les industriels de la musique et quelques artistes à succès s'engraisseront démesurément.
Dit autrement, si nombre d'artistes connaissent de grandes difficultés à vivre convenablement de leur art, ce n’est certainement pas le public qu'il faut en tenir pour responsable - ainsi qu’on cherche à nous le faire croire. Réjouissons-nous plutôt que public existe et regardons plutôt du côté des producteurs et des diffuseurs qui brassent maladroitement des sommes considérables, en pleurnichant à l'occasion qu'elles s'amenuiseraient. Regardons plutôt, aussi, en direction des politiques culturelles et des budgets correspondants qui ne cessent, en effet, de s'amenuiser.
Culpabilisation et répression ne font pas une politique culturelle, encore moins un modèle économique viable. Ce ne sont là que quelques forces réactionnaires qui sont ici, comme partout, à l’ouvrage.